JOURNEE DE LA COMMUNE, 15ème EDITION: LES COMMUNES, BASE INCONTOURNABLE DU DEVELOPPEMENT DUPAYS

Depuis 2009, l’Association des Communes du Burundi (ACO-BURUNDI) organise annuellement un rassemblement à ‘échelle national qui réunit toutes les communes du Burundi. Cet événement est  connu sous le nom de «  Journée de la Commune ». Ce moment solennel offre aux communes l’opportunité de prendre connaissance des développements en cours en matière  de décentralisation, de gouvernance locale et de développement économique local afin d’en tirer des leçons leur permettant de se mettre à jour dans leur manière de travailler.

Dans cette logique, l’Association des communes du Burundi a organisé la 15ème édition de la Journée de la Commune, et cet événement a eu lieu au Centre Tereziya situé à Mushasha au chef-lieu de la Province Gitega du 20 au 21 mars 2024. Les cérémonies marquant cette journée ont été officiellement ouvertes par un Sénateur qui avait représenté le Très Honorable Président du Sénat du Burundi.

Au niveau de la participation, outre les représentants des communes (à raison de 2 personnes par commune), des hauts cadres et cadres de l’Etat ainsi que les représentants des organisations et institutions partenaires ont pris part à cette importante activité.

A cette occasion, plusieurs thématiques ont été développées en rapport avec :

  • Stratégies du gouvernement pour l’inventaire et la répartition du personnel et du patrimoine communal aux nouvelles communes.
  • Le rôle des communes dans la prévention et la gestion des risques de catastrophes.
  • Décret portant coopération décentralisée et témoignages des communes engagées dans la coopération décentralisée ;
  • La jurisprudence en matière d’accès des femmes aux droits fonciers ;
  • La carte de score communautaire ;
  • Assurance du patrimoine communal, facteur du développement ;
  • La gestion foncière décentralisée ;
  • Rôle des communes dans la gestion de la Banque des jeunes et de la Banque des femmes.

 

Stratégies du gouvernement pour l’inventaire et la répartition du personnel et du  patrimoine communal aux nouvelles communes.

Abordant le premier thème en rapport avec l’inventaire du personnel et du patrimoine des communes actuelles en prévision de l’entrée dans la nouvelle configuration des communes issues du redécoupage/regroupage, le Directeur Général du Développement Communautaire et de la Décentralisation, Monsieur Déo RUBERINTWARI a indiqué que le Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique a instruit les communes de fournir les  données en rapport avec l’inventaire du personnel et du patrimoine des communes actuelles, et cela avant la fin du 4ème trimestre de l’année budgétaire 2023-2024 . Il a souligné à cet effet que les données attendues serviront de base pour l’élaboration du document d’orientation pour la gestion (réaffectation) du personnel et du patrimoine des nouvelles communes..

Le Directeur Général a par ailleurs souligné l’importance de la nouvelle réforme territoriale,  indiquant que la réduction du nombre de communes a comme objectif de donner réponse au problème de viabilité financière de ces dernières.

Il a tenu à préciser que la réforme vise également à consolider la nouvelle dynamique agricole fondée sur la spécialisation régionale et le développement des filières agricoles dans la perspective de jeter de nouvelles bases du développement économique local (DEL).

En guise de rappel pour les uns et d’information pour les autres,  le Directeur Général a mis en exergue les nouvelles subdivisions territoriales qui se présentent comme suit :

  • les provinces du Burundi sont passées de 18 à 5
  • les communes, sont passées de 119 à 42 communes ;
  • les zones sont passées de 399 à 451
  • et les collines/quartier de 2910 à 3044

Le Directeur Général a souligné que dans la dynamique de cette réforme, le paysage administratif de la commune va changer de visage et sera organisé en 11 départements dirigés par des directeurs. Les départements seront subdivisés en services dirigés  par des chefs de services. Ces départements sont les suivants :

  • le Département de l’administration territoriale et le développement communautaire;
  • le Département de la planification et les finances communales ;
  • le Département de l’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’habitat ;
  • le Département de l’éducation ;
  • le District sanitaire
  • le Département de l’eau, de l’énergie et des carrières
  • le Département de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage ;
  • le Département des pistes, des voies de communication et de télécommunication ;
  • le Département des infrastructures administratives, socioculturelles, économiques et touristiques ;
  • le Département des droits de la personne humaine, de la protection sociale et de l’inclusion genre ;
  • le Département de l’entrepreneuriat, du commerce et de l’industrie.

 

 

 

Le rôle de la Commune dans la prévention et la gestion des risques de catastrophes.

Ce thème a été développé par Monsieur Jean-Claude HATUNGIMANA, Conseiller au Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique.

Dans sa communication, l’expert a expliqué qu’en matière de préservation de l’environnement en général et de prévention et de gestion des risques de catastrophes en particulier, la loi burundaise, notamment la Loi relative au transfert des compétences de l’Etat aux communes, confère à la commune d’importantes responsabilités, puisqu’elle lui attribue le rôle de  « Prendre des mesures nécessaires pour la préservation de l’environnement et favoriser la promotion du tourisme , assurer la gestion des risques de catastrophes ….. ». Les  communes ont donc l’obligation légale de jouer un rôle important dans ce secteur, par la mise en place des dispositifs de prévention et de gestion des risques de catastrophes,

Les actions de prévention que les communes sont appelées à mettre en œuvre sont surtout liées à la sensibilisation de la population, à l’alerte précoce à travers les comités communaux et collinaires de prévention et de gestion des risques de catastrophes, à la mise en place des dispositifs anti-incendie, à la plantation des arbreset à la mise en place des systèmes de canalisation des eaux des pluies, etc

En complément de la communication de Monsieur Jean Claude, le Directeur Général du Fonds National d’Investissement (FONIC) a tenu à préciser que les catastrophes sont de deux types :

  • les catastrophes naturelles : difficiles à éviter,
  • les catastrophes anthropiques (consécutives à l’action de l’homme) qui sont  faciles à prévenir et à gérer.

Il a à cet effet interpelé les Administrateurs communaux présents à s’investir davantage dans la prévention, et a proposé quelques actions à savoir :

  • Mise en place des comités collinaires de prévention,
  • Insérer une ligne budgétaire dans les PCDC et budgets/PAI/PTBA pour la lutte contre les catastrophes,
  • Elaborer les plans de contingence,
  • Savoir évaluer les risques majeurs avant d’implanter une quelconque infrastructure,
  • Mettre en place un dispositif de sécurité comme par exemple l’anti-incendie,

 

 

 

 

 

 

coopération décentralisée et témoignages des communes engagées dans la coopération décentralisée

La communication relative à la coopération décentralisée a été donnée par Monsieur Valentin NAHIMANA, Directeur Général de l’Administration du Territoire au Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique. Dans son intervention, le Directeur Général a informé le public présent que la coopération décentralisée au Burundi est régie par le décret n° 100/244 du 6 octobre 2013 portant règlementation de la coopération décentralisée au Burundi. Il a également précisé que ce décret est venu officialiser et préciser une forme de coopération décentralisée qu’on appelle jumelage qui existait depuis très longtemps.

Au sens du Décret ci-haut cité, on entend par coopération décentralisée :

« les actions de coopération menées dans le cadre d’accords ou conventions de partenariat conclus, dans un but d’intérêt commun, par une ou plusieurs communes du Burundi ou leurs groupements, soit entre elles, soit avec une ou plusieurs collectivités territoriales étrangères ou leurs groupements ou les opérateurs désignés par ces entités, dans le cadre de leurs compétences mutuelles »

La signature d’une convention de partenariat doit être préalablement autorisée par délibération du Conseil Communal et doit également être en cohérence avec la politique étrangère définie par l’état Burundais tout en tenant compte de l’intérêt des communes.

Le Directeur Général a précisé que la coopération décentralisée permet aux communes de mobiliser des fonds auprès des communes partenaires afin de compenser en partie les déficits budgétaires consécutifs aux nombreuses responsabilités des communes en matière de fourniture des services publics à la population.

Cette communication a été étayée par les témoignages de l’Administrateur communal de Gitega et celui de Mwumba dont les communes ont bénéficié des projets de coopération décentralisée.

La Commune de Gitega a bénéficié de la part de l’Association Internationale des Maires Francophones(AIMF) des appuis financiers pour :

  • La construction du marché de Kabasazi ;
  • Des activités de planning familial et santé sexuelle et reproductive ;
  • Des actions de riposte à la pandémie du covid-19 ;
  • La construction d’un centre de développement intégré pour les femmes
  • La participation aux jeux-concours francophonie

Et le tout pour un montant équivalant à 789 535 EUROS entre 2013 et 2024

Quant à la commune Mwumba, elle a noué des relation de partenariat avec une commune marocaine dont elle bénéficié des projets d’adduction d’eau potable et d’électrification ainsi que d’une usine de production du miel et d’un marché d’écoulement de ce produit.

……………………………………………………………………………………….

La jurisprudence en matière d’accès des femmes aux droits fonciers ;

Comment les femmes peuvent-elles jouir pleinement du patrimoine foncier et d’autres biens après le décès de leurs parents ou leurs conjoints? Telle était la question majeure à laquelle voulait répondre le développement de cette thématique.

Le thème en rapport avec la jurisprudence sur les droits fonciers des femmes a été développé par Madame KAZE Graciella, Magistrat au Tribunal de Grande Instance de Makamba. L’objectif de cette communication était  de mettre en exergue les bonnes pratiques judiciaires ayant rétabli les femmes dans leurs droits par des juridictions lors des conflits de succession.

Dans sa communication, l’experte a insisté sur le fait que le règlement des conflits de succession auquel elle fait allusion repose sur  les articles 122 et 126 du Code des Personnes et de la Famille.

Article 122 stipule que

« Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Le mari est le chef de la communauté conjugale. Il exerce cette fonction à laquelle la femme participe moralement et matériellement  dans l’intérêt du ménage et des enfants. La femme remplace le mari dans cette fonction lorsqu’il est absent ou interdit ».

 

L’article 126 quant à lui stipule qu’aucun époux ne peut sans le consentement de l’autre :

  1. Aliéner ou grever de droits réels les immeubles ou les exploitations dépendant de la communauté conjugale, ni disposer desdits droits ou biens à titre gratuit même pour l’établissement des enfants communs ;
  2. Acquérir à titre onéreux la propriété ou tout autre droit réel portant sur les immeubles ou les exploitations dépendant de la communauté conjugale. Sont réputés dépendants de la communauté conjugale sauf preuve contraire résultant d’une disposition légale, conventionnelle ou coutumière :

–  le fonds de terre acquis par dévolution successorale ;

– la maison servant de logement ou de moyen de logement à la famille ;

– l’exploitation agricole faisant l’objet ou étant le fruit du travail commun des époux.

Les actes de disposition cités à l’alinéa premier ne pourront être conclus en ce qui concerne le fonds de terre qu’après partage entre héritiers.

A la lumière des dispositions ci-haut citées, l’experte a décrits quelques cas des jugements rendus par les juridictions en faveur des femmes pour exercer les pleins droits sur les biens laissés par leurs parents ou leurs conjoints.

  1. Litige de succession d’une personne X qui est née d’une femme célibataire malheureusement décédée, et ayant passé toute sa vie chez ses parents. X a également grandi sous le toit de ses grands-parents. La question était de savoir si X pouvait bénéficier de l’héritage de  sa mère:

La juridiction a confirmé le droit de X à bénéficier de l’héritage de sa mère

  1. Conflits de succession sur les propriétés foncières acquises par la personne G (ibivi vy’ibigurano) entre filles et garçons :

En première instance, le tribunal avait rendu le jugement comme quoi la propriété foncière devait être partagée entre 3 parties dont 2 pour les garçons A et B et une pour les filles C et D :

La juridiction d’appel a révisé ce procès et a ordonné le partage de ce patrimoine en 4 parties égales entre tous les 4 enfants sans distinction de sexe.

  1. Une veuve a vendu une partie d’une propriété familiale aux fins de se faire soigner. Son fils a porté plainte au tribunal de résidence et ce dernier a ordonné l’annulation de la vente et la remise du montant de vente à l’acheteur :

Après avoir interjeté appel auprès du tribunal de grande instance, celui-ci a confirmé le bien fondé et la pertinence de la transaction eu égard au contenu de l’article 122 du Code des personnes et de la famille et la veuve a été remise dans ses droits. Raison principale mise en avant : après le décès du mari, la veuve remplace valablement son défunt mari et prend donc toute décision allant dans le sens de subvenir aux besoins de la famille.

  1. Une veuve a vendu une parcelle bâtie pour se faire soigner. Avec une partie de l’argent restant, elle a pu acquérir une autre parcelle bâtie et a partagé le reste aux enfants de l’autre femme de feu son mari. Un de ces enfants a porté plainte et le dossier a pris son chemin jusqu’à la cour suprême :

Après analyse du dossier la chambre de cassation a donné raison à la veuve car : (i) Les motifs invoqués par la veuve  étaient pertinents et avait les pleins droits de vendre cette maison. (ii) Elle a fait bon usage de l’argent de la vente, mais l’a par contre  rentabilisé en achetant une autre parcelle. (iii) Elle a distribué le reste de l’argent à ses enfants alors qu’elle n’avait aucune obligation de le faire.

  1. Après le décès de X une partie des enfants ont demandé au tribunal de résidence pour intervenir dans le partage des propriétés foncières situées en milieu rural et urbain. Le tribunal de résidence a statué que tous les biens laissés par X soient répertoriés et partagés entre tous ses enfants et la veuve en parties égales :

La veuve a interjeté appel et le tribunal de grande instance a révisé le jugement et a décidé qu’aucun bien ne soit vendu du vivant de la veuve : Le dossier a été porté aux juridictions supérieures jusqu’à la cour suprême. Celle-ci a définitivement tranché en  faveur de la non vente des biens concernés jusqu’à la mort de la veuve.

  1. Une veuve X. a vendu sa vache et a confié l’argent à son beau-père pour lui acheter un terrain. Le beau-père a effectivement acheté le terrain mais s’en est approprié. La veuve a porté plainte au tribunal de résidence et celui-ci a tranché en faveur de la veuve et le beau-père a interjeté appel au tribunal de grande instance. Celui-ci a invalidé le jugement du tribunal de résidence. La veuve a attaqué ce jugement auprès de la cour d’appel.

La cour d’appel a révisé le dossier et a rendu son verdict en faveur de la veuve, se basant sur le fait que la famille du défunt mari n’a aucun droit de profiter de la situation de fragilité de la veuve  pour l’empêcher de d’organiser son foyer pour l’intérêt de sa famille.

  1. Après le décès d’un homme X, les membres de la famille de ce dernier avaient vendu la parcelle de la famille de feu X à l’insu de sa veuve. La veuve a porté plainte auprès du tribunal de résidence et avait perdu le procès en faveur de la famille de feu son mari. La femme a fait appel de ce procès et a porté affaire à la cour d’appel : La chambre de cassation de la cour suprême a décidé de ne pas casser ce procès et a définitivement validé la décision de la cour d’appel en mettant en avant l’application stricte de l’article 126 du code des personnes et de la famille et la veuve a été rétablie dans ses droits.