Comme elle le fait chaque année, l’Association des communes du Burundi (ACO-BURUNDI) a organisé la Journée de la Commune, édition 2020. Les cérémonies marquant cette Journée se sont déroulées en date du 3 juin 2021 à l’hôtel INARUNYONGA MUSEUM situé au chef-lieu de la Province de Ngozi. Signalons au passage que la Journée de la commune est un événement qui a été institué par l’ACO-BURUNDI et qui rassemble toutes les communes du Burundi. A cette occasion les acteurs communaux conviés à cet événement suivent les exposés des experts sur des thématiques variées jugées d’actualité et intéressant la vie des communes. Ils échangent également leurs expériences sur le vécu quotidien de leurs communes sous des aspects diversifiés.
Des témoignages sont livrés par les communes s’étant distinguées sur un aspect particulier de la gestion communale. Et enfin il y a échange direct entre les représentants des communes et l’autorité centrale dans la perspective de trouver des solutions aux problèmes exprimés par les communes. L’autorité centrale en profite pour donner des éclaircissements et des conseils variés sur des sujets problématiques du moment.
La Journée de la Commune du 3 juin 2021 a été honorée par la présence de Son Excellence Très Honorable Emmanuel SINZOHAGERA, Président du Sénat du Burundi.Trois discours ont marqué les cérémonies d’ouverture de cet événement. D’abord, le Gouverneur de la province de Ngozi a souhaité la bienvenue aux invités .
S’en est suivi le discours du Président sortant de l’ACO-BURUNDI. Dans son discours, après avoir adressé ses mots de remerciements au Président du Sénat, il est revenu sur les relations fortes qui existent entre le Sénat du Burundi et l’ACO-BURUNDI car, a-t-il dit la création de l’ABELO (dénomination originale) a été facilitée par le Sénat en 2007-2008.
Selon l’Honorable NITERETSE, la présence du Président du Sénat à cet événement célébré pour la première fois sous la nouvelle dénomination d’ ACO-BURUNDI, a rappelé la présence du Président du Sénat de l’époque lors de l’assemblée constituante de l’ABELO. D’où, selon lui, cette journée revêtait un caractère symbolique tout particulier.
Prenant la parole pour l’ouverture solennelle de la Journée de la Commune, le Président du Sénat a remercié l’ACO-BURUNDI pour avoir organisé cet événement d’une si haute importance. Son discours était surtout centré sur les conseils prodigués aux gestionnaires des communes en les exhortant à se concentrer davantage sur la gestion rationnelle et méthodique de leurs entités afin de fournir aux citoyens les meilleurs services possibles.
Au sujet des taxes communales, le Président du Sénat a salué l’action du Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique ayant conduit à la mobilisation optimale des taxes communales et a demandé aux communes de continuer sur la même lancée et surtout de réaffecter ces nouvelles ressources à l’investissement dans les projets de développement communautaire.
Après le discours d’ouverture, c’était le tour des experts pour donner leurs communications respectives.
Le premier exposé concernait les innovations du Manuel des procédures administratives et financières des communes, 5ème édition et a été fait par Monsieur NAHIMANA Valentin et Jean-Bosco ININAHAZWE respectivement Directeur de la Décentralisation et Inspecteur Provincial des Finances
Communales en Province de Gitega au Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique. Au cours de leur communication, les deux experts ont mis en exergue les changements induits par la loi sur le transfert des compétences de l’Etat aux communes et la loi communale promulguée en février 2020.
Les principaux changements portent essentiellement sur la réorganisation des services communaux avec l’introduction de nouveaux postes comme celui du Secrétaire Exécutif Permanent qui est le véritable adjoint de l’Administrateur Communal. L’autre innovation importante concerne la rémunération de l’Administrateur communal qui perçoit désormais des indemnités (en sa qualité de mandataire politique) dont le montant est fixé par décret. Ce mode de rémunération concerne également les Conseillers de l’Administrateur communal. Le manuel fait apparaître, outre le personnel mentionné dans la loi communal, d’autres unités supplémentaires
comme l’adjoint du Responsable de la Comptabilité de l’Ordonnateur, le responsable des abattoirs, le responsable de la Régie Communale de l’eau pour n’en citer que ceux-là.
Au niveau financier et comptable, le Manuel s’est référé à la nouvelle loi communale ainsi qu’à la loi sur la fiscalité communale de mars 2016. Les innovations majeures concernent surtout :
L’introduction d’un auditeur qui assurera le contrôle interne de l’exécution budgétaire. Ce dernier est nommé et approuvé par le conseil communal et est tenu de lui présenter un rapport trimestriel indiquant notamment les irrégularités constatées et les mesures urgentes à prendre ;
L’introduction du Service fiscal communal qui reçoit les déclarations et paiements de taxes des contribuables ;
La fixation des seuils de passation des marchés publics en vertu du nouveau code des marchés publics ;
La fixation des frais de mission sur base de l’Arrêté conjoint n°120/121/01/2018 du 23 avril 2018 portant modalités d’octroi des ordres de missions et fixation du barème des frais de missions officielles ; etc.
A son tour, Monsieur MUTABAZI Jean-Marie-Vianney (photo en haut à droite), Directeur de la Planification Locale au Ministère de l’Intérieur, du Développement Communautaire et de la Sécurité Publique a donné une communication sur l’importance de la participation citoyenne dans le processus d’élaboration des plans communaux de développement communautaire (PCDC) et la redevabilité dans leur mise en oeuvre .
Faisant un bref descriptif des différentes phases du processus, l’expert a tenu à faire remarquer que l’élaboration des PCDC suit une démarche participative et ascendante, impliquant les différentes couches de la population à chaque étape du processus
Il a indiqué que « l’implication des acteurs est la meilleure garantie de l’équité et de la durabilité des interventions » et permet par conséquent :
la détermination des priorités et des objectifs ;
la formulation des stratégies et leur planification, le financement ;
l’exécution et l’évaluation des actions
Au sujet de la redevabilité des élus envers les citoyens, Monsieur Mutabazi a commencé par définir le concept comme : « le moyen par les quels les individus ou les organisations rendent compte de leurs actes et sont tenus responsables de ceux-ci »
Il a ensuite souligné l’importance de la redevabilité en tant qu’obligation légale pour un responsable public de rendre compte de ses actions envers les citoyens qui lui ont confié les responsabilités. Il a ajouté que la redevabilité fait partie des mécanismes de transparence dans la gestion de la chose publique et concourt à la lutte contre la corruption.
Tout en expliquant le concept, l’expert fait remarquer aux participants que la redevabilité des élus locaux au Burundi bénéficie d’un environnement
légal favorable dans ce sens que la loi communale institue 2 séances de redevabilité par an à l’endroit des représentants de la population .
Il estime néanmoins que ce mécanisme pourrait être amélioré par l’extension de ces séances de 2 à 4 par an et à l’endroit des catégories de population plus étendues ; à l’image des diagnostics collinaires.
En complément à cette communication, Monsieur NGENDAKURIYO Damien, Administrateur de la commune Songa en province Bururi a livré son témoignage sur l’appropriation de l’élaboration des PCDC.
Il a indiqué à cet effet, que sa commune a ouvert un sous-compte où sera déposé mensuellement un montant de deux cent cinquante mille francs burundais en vue de constituer un fonds destiné à financer l’élaboration du PCDC 4ème génération. Il a précisé que ce montant pourra être revu à la hausse en fonction de la disponibilité des ressources additionnelles.
Concernant l’obligation des commues à protéger le patrimoine communal par la souscription à une assurance, ce thème a été développé par Monsieur Abel NTAKARUTIMANA, Directeur Technique de la Société Business Insurance and Reinsurance Company (BIC). Pour cet expert, la souscription à l’assurance par les communes résulte d’abord de la nécessité de protéger les citoyens et de leurs biens. Mais cette nécessité a été érigée en obligation. Il a à cet effet, évoqué quelques dispositions légales allant dans ce sens :
L’article 299 du Code des assurances stipule que « tout constructeur doit être couvert par une assurance de risque de construction ».
l’article 300 du même Code dispose que «A l’ouverture de tout chantier, le maître de l’ouvrage doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance couvrant les dommages à l’ouvrage et la responsabilité décennale de l’ensemble des intervenants »
Tout cet argumentaire en faveur de la souscription à une assurance se justifie par le fait que la destruction d’une infrastructure quelconque de la commune par un incendie devient une perte énorme pour la commune et pour le pays ; en ce sens que pour la reconstruire, la commune aura à consentir un investissement nettement plus important que celui de la construction initiale ; avec une perte de temps et un ralentissement des activités comme corrolaire. L’obligation de souscrire à une assurance s’applique aussi bien à la commune elle-même (pour ses propres infrastructures) ainsi qu’aux autres personnes physiques et morales installées dans la commune.
Au terme de toutes ces communications, le Président du Sénat a repris la parole et est revenu sur chaque présentation pour prodiguer des conseils aux délégués communaux
Il a rappelé l’importance des documents de gestion communale (textes légaux et règlementaires) en général et du Manuel des Procédures Administratives et Financières des communes en particulier. Il a exhorté les gestionnaires des communes à maîtriser ces instruments et surtout à les utiliser systématiquement pour se rassurer que leurs actes sont en tout temps et en tout lieu conformes à la loi. Cela les éviterait à tomber dans le piège de poser les actes illégaux, ce qui serait préjudiciables au bon fonctionnement de leurs entités, et cela à plusieurs égards.
Au sujet des PCDC, le Président du Sénat a partagé contenus des PCDC et les réalisations sur terrain. Au vu du faible taux de réalisation des projets des PCDC, Il s’est demandé si ces derniers ont été élaborés en tenant compte des capacités des communes à les mettre en œuvre ou ou s’il ne s’est agi que d’un simple inventaire des besoins exprimés par la population.
Il a renchéri en indiquant que le PCDC doit refléter les véritables besoins de la population et que leur mise en œuvre doit être méthodique, réaliste et pragmatique.
Il a également exhorté les communes à mobiliser les ressources humaines locales compétentes éparpillées dans plusieurs coins du pays pour qu’elles puissent contribuer substantiellement au développement de leurs localités au lieu que les communes tendent toujours la main à l’extérieur.
Le Président du Sénat a enfin encouragé les communes à protéger les infrastructures publiques pour les protéger contre des risques variés par la souscription à une assurance, ce qui permettra d’assurer leur durabilité avec tout ce que cela a comme avantages.
Il n’a pas manqué d’interpeller l’ACO-BURUNDI pour qu’elle continue d’accompagner le Gouvernement et les communes dans le long processus de décentralisation, en faisant des propositions concrètes allant dans le sens d’améliorer la gouvernance locale.